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La domestication du loup

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La découverte d’empreintes et d’ossements de loups dans les territoires occupés par l’Homme en Europe remonte à 40 000 ans bien que leur réelle utilisation ne soit pas encore authentifiée par l’Homo sapiens sur les fresques préhistoriques. La domestication du loup reste t-elle un mystère ?

Faire du loup son allié

A cette époque, l’Homme n’était pas encore sédentaire et se nourrissait des produits de sa chasse dont il suivait les migrations. Les changements climatiques qui se sont opérés, il y a environ 10 000 ans lors du passage du pléistocène à l’holocène, ont conduit au remplacement des toundras par des forêts et, par voie de conséquence, à la raréfaction des mammouths et des bisons au profit des cerfs et des sangliers. Cette diminution du gibier traditionnel a poussé les hommes à inventer de nouvelles armes et à adapter leurs techniques de chasse. Ils se trouvèrent alors en concurrence avec les loups qui se nourrissaient du même gibier et utilisaient les mêmes méthodes de chasse en meute faisant appel à des « rabatteurs ».

L’Homme a dû alors tout naturellement tenter de faire du loup son allié pour la chasse en cherchant, pour la première fois, à apprivoiser un animal bien avant de se sédentariser lui-même et d’élever son bétail. Ainsi, le chien primitif était indiscutablement un chien de chasse et non un chien de berger.

Pour Ray Coppinger ( biologiste de l’évolution travaillant aux États-Unis et bien connu pour ses travaux sur le chien d’utilité), certains loups acceptèrent de se rapprocher de l’homme afin d’en tirer de la nourriture, et firent ainsi passer ce nouveau trait comportemental à leur progénitures. D’autres scientifiques combattent cette théorie, pensant que par le monde les hommes préhistoriques ont patiemment sélectionné les loups les plus dociles au sein « d’élevages », aboutissant au fil des générations à un animal qui, dans sa quête affective, était toujours plus joueur et plus soumis à l’Homme.

Image par miezekieze de Pixabay

De l’apprivoisement du loup à sa domestication

La domestication du loup accompagne donc le passage de l’homme de la période de « prédation » à la période de « production ». Elle a certainement débuté par l’apprivoisement de quelques individus. Même si ce travail d’apprivoisement doit être repris à la base à la mort de chaque individu, il ne constitue pas moins la première étape indispensable pour conduire à la domestication d’une espèce incluant, dans une deuxième étape, la maîtrise de sa reproduction.

La domestication du loup a sans doute commencé en Orient, mais ne s’est pas réalisée en un seul lieu, ni du jour au lendemain, si l’on se réfère aux nombreux centres de domestication découverts dans les sites archéologiques. Plusieurs tentatives ont dû être conduites en différents points du globe sur de jeunes louveteaux issus de plusieurs groupes et mener à une imprégnation irréversible à l’homme, pendant leur période néonatale, puis au rejet des congénères qui caractérisent la réussite de la domestication.

Ce succès a sans doute été favorisé par l’aptitude naturelle des louveteaux à se soumettre aux règles hiérarchiques d’une meute. Même si quelques louveteaux femelles devenus adultes ont pu, de temps à autre, êtres fécondés par des loups sauvages, les produits de ces accouplements, élevés à proximité de l’homme, ont subi également cette imprégnation interspécifique, limitant les possibilités de retour à l’état sauvage.

image générée par l’IA

Du loup vers le chien

Comme dans toute domestication, l’asservissement du loup s’est accompagné de plusieurs modifications morphologiques et comportementales en fonction de notre propre évolution. Ainsi, les changements observés sur les squelettes témoignent d’une sorte de régression juvénile, appelée « pédomorphose », comme si ces animaux, devenus adultes, avaient gardé, au fil des générations, des caractéristiques et certains comportements immatures: réduction de la taille, raccourcissement du chanfrein, aboiements, gémissements, attitudes ludiques … qui font dire à certains archéozoologues que le chien est un animal en voie de spéciation, resté au stade de l’adolescence et dont la survie dépend de l’homme.

Paradoxalement, ce phénomène s’accompagne d’une réduction de la période de croissance, aboutissant à un avancement de la période pubertaire et autorisant ainsi un accès à la reproduction plus précoce, ce qui expliquerait pourquoi, de nos jours, la puberté est plus précoce chez les races de chiens de petite taille que chez les grandes races et, dans tous les cas, plus précoce que celle des loups (environ 2 ans). Parallèlement, la denture s’adapte à un régime plus omnivore que carnassier, les chiens domestiques ayant pu se « contenter » des reliefs alimentaires des hommes sans avoir à chasser.

Cette sorte de « dégénérescence » qui accompagne la domestication se rencontre également chez la plupart des espèces comme l’espèce porcine (raccourcissement du groin), ou même chez les renards d’élevage qui peuvent adopter, en une vingtaine de générations seulement, un comportement de petits chiens !

La relation domestique semble donc aller à l’encontre de l’évolution naturelle – à moins de considérer l’homme comme une partie intégrante de la nature pour s’apparenter à une technique de sélection.

Image générée par l’IA

Le cas des chiens sauvages

L’examen de la faune sauvage laisse apparaître au moins quatre types contemporains de « chiens sauvages » :

  • le dingo , seul mammifère placentaire (à part l’humain) présent en Australie au XVIIIè siècle (arrivée des Européens)
  • le dhole , chien qui vit en Asie et s’est particulièrement bien adapté aux forêts très denses
  • le lycaon , chien africain qui vit dans les savanes arborées du sud-sahel et de l’Afrique de l’Est
  • le chien chanteur de Nouvelle-Guinée , chien autochtone qui chante mais n’aboie pas.

L’étude de ces chiens sauvages par certains groupes de scientifiques démontre, quant à elle, contrairement à ce qui est évoqué pour le loup, que la notion de docilité n’est pas le résultat d’une immaturité quelconque, mais bien celui d’une forte capacité à s’approprier l’environnement humain. Pour ces auteurs, il en irait de même des chiens errants, dont la population est estimée supérieure à 300 millions d’individus sur terre, lesquels déambulent librement au milieu des hommes, dans les campagnes, dans les villes et les villages. Dans les pays pauvres, ces chiens aux allures quelconques sont tolérés car ils y font office d’éboueurs, tout autant que de sentinelles donnant l’alerte à l’approche d’une catastrophe naturelle, de fauves ou plus simplement de visiteurs.

Les fouilles archéologiques semblent faire remonter à au moins 12 000 ans les premiers chiens apprivoisés d’Eurasie et du Moyen-Orient. Dans le même temps, il apparaît bien qu’aucun squelette d’une forme de passage « entre loup et chien » n’a été découvert ( la grotte de Lazaret, dans le sud de la France, datée à 12 500 ans avant notre ère, offre un crâne de loup disposé à l’entée de chaque abri).

En considérant les différents morphotypes de chiens retrouvés à ce jour, il est donc fortement possible de pouvoir envisager qu’en des endroits distants et à des périodes distinctes différents types de chiens sauvages qui rôdaient autour des campements humains se soient progressivement accoutumés à l’Homme.

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